Mon petit hommage personnel à Serge Grenier

Vendredi dernier, une de mes idôles est décédée.
Je dis souvent à la blague que j'ai une tonne d'idôles.
En réalité, on peut les compter sur les doigts d'une ou deux mains.

Serge Grenier était de ceux-là.

J'avais huit ans quand j'ai lu pour la première fois une de ses chroniques dans Croc.
Numéro 97, Spécial Gros, août 1987. (si vous vouliez avoir la précision)
Son article, Les métiers pour les gros. (Rappelez-vous, les années 80 étaient un monde ou le «politically correctness» n'était même pas une expression utilisée pour essayer de flatter dans le sens du poil les gens considérés différents.)

Pas nécessairement son meilleur article, mais quand même, j'ai noté la forme d'humour et d'écriture utilisée. Et j'ai noté le nom de ce chroniqueur régulier.

Rendu au numéro historique 100, j'ai appris qu'il avait fait partie d'un groupe nommé les Cyniques. J'ai même vu une photo des 4 membres dans un immense photo-théâtre regroupant les grands talents en humour québécois de l'époque.

Aussitôt, je suis parti à la recherche de cassettes, de vinyles, de tout le matériel disponible sur les Cyniques. J'étais conquis.

Je venais de découvrir RBO 2 ans auparavant en 1985. Je venais maintenant de découvrir le Graal.
Et des 4 membres aux rôles très différents, Serge Grenier est celui avec lequel j'avais une admiration totale.

Son style: dire les pires insultes, atrocités, tout en gardant un ton calme, pince sans-rire et un français impeccable. Il venait de m'influencer pour les 20 prochaines années. Il m'a appris l'art d'utiliser les mots et l'humour comme outil dans le quotidien. Comme façon de commenter, comme mécanisme de défense et comme dent aiguisée. Quand au primaire, les gens préparaient des numéros de danse ou de lipsync sur du mauvais Madonna, moi, je pratiquais des monologues de Serge Grenier. Au secondaire, quand je travaillais au journal étudiant, je commentais l'actualité avec 50% Serge Grenier et 50% NATM (les bulletins de 100 Limite). À l'université, quand j'écrivais des textes pour l'Impact Campus, j'utilisais une forme d'observation et de commentaires avec une influence toujours présente. Mais aussi, une forme qui incorpore de l'absurdité. Ce style évolue encore à ce jour. Je n'aurai jamais son génie, mais son influence teinte encore ma vision écrite du monde.

Son style d'humour était intellectuel, fin, recherché. Mais aussi, à la fois, acide, décapant, méchant. Quand il analyse les noms de l'annuaire téléphonique, ou fait un conte pour enfant en alternant la classe moyenne et la haute société, on voit le fin observateur à l'oeuvre. Mais aussi, on pointe les défauts, les problèmes. Dans une société semi-lavée du cerveau par la religion et l'Union Nationale, il est arrivé avec ses comparses quand on avait le plus besoin d'eux. Pour briser l'ordre établi. Je crois qu'il a toujours méprisé l'apparence d'un québécois moyen avec les idées arrêtées et qui se nourrit d'une dose quotidienne du canal 10 pour former ses opinions. Autant il avait comme proie l'ignorance des gens, je pense aussi que c'était quelque chose qui le décevait de la société.

Il a ensuite osé en écriture de roman, participé aux script de plusieurs émissions, et quand les Parlementeries ont effectué un retour après plusieurs années d'absence, il a adopté le rôle d'un grand historien de l'humour avec une performance mémorable. C'est comme s'il n'avait jamais quitté les planches et je me souviens, ça m'avait fait remarqué à quel point son humour cynique était encore à propos en 2008.

Avec l'anniversaire des Cyniques, le Québec pouvait enfin (re)découvrir le talent de ces 4 humoristes de talent. Et après avoir tout racheté en CD, j'ai écouté en premier les numéros de Serge Grenier.

Il n'y a pas de mots pour exprimer la tristesse ressentie en fin de semaine.

Je voulais simplement partager avec vous.

De retour à la programmation régulière bientôt.

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