Gaboury

Tant qu'à continuer mon élan de nostalgie. Je ne sais pas si j'ai déjà parlé de mon amour pour Croc. Le magazine qu'on rit. j'ai commencé à le lire quand je n'étais probablement pas d'âge approprié pour le faire, mais j'adorais. Je trouvais les textes intelligents et bien écrit. On avait des grands noms, Pierre Huet, Serge Grenier, Jacques Grisé, Jacques Hurtubise, Christian Tétrault, et j'en passe facilement 50 autres aussi talentueux. Ma période favorite étant du premier numéro en 1979 (vive l'achat des anciens numéros) au début 1990. Par la suite, il y a eu un changement que j'ai moins aimé. Le papier non-glacé, la nouvelle signature en 3-d qui était atroce et l'absence des rubriques que j'adorais.
Et au travers des textes, il y avait des caricatures et des bd. Et les bédé que j'aimait plus que tout, c'était les pages de Serge Gaboury. Son trait à l'époque était un peu plus rigide qu'aujourd'hui, mais je trouvais que ça apportait un certain équilibre. Ses sujets étaient aussi absurdes que loufoques, amusants, sanglants, violents, sexuels, rien n'était territoire interdit. Seul parfois, une influence du thème du mois dans chaque numéro, mais sinon, carte blanche. Sa contribution, pour moi, était indispensable. Je n'aurais pu imaginé un Croc sans quelques pages de Gaboury d'éparpillées au travers.
À cet âge, la bédé que je lisait venait surtout des éditions Dupuis. Boule et Bill, Gaston Lagaffe (Franquin, mon idôle) et Gotlib. Tintin et Achille Talon rajoutés et Mad Magazine pour l'américanisme. Ce qui reste malgré tout assez tranquille comme lecture. Mais quand j'ai lu une page de Gaboury où la tête d'un gars se fait couper avec petits jets de sang, et le visage blasé, impassif des gens qui observent la scène, j'ai affiché un large sourire, presque aussi large que ceux de ses personnages. On avait le droit de pousser plus loin. Il y avait de la bd qui existe et qui pousse les limites. Je pense qu'il a contribué à ma passion pour la bédé. Il a été comme une porte d'entrée vers un univers pas mal plus vaste que des simples bds de 48 pages européennes.
Bien sûr, au fil des années, je l'ai perdu de vue. Pas vraiment suivi sa carrière chez Safarir ou les autres magazines d'humour québécois. Ils m'ont toujours laissé un peu sur mon appétit. Je n'ai jamais retrouvé la symbiose textes-bédé-talent qu'il y avait dans Croc. Mais je pense qu'il est dû pour une rééditions des vieux albums Croc. La Pastèque à réédité les Red Ketchup et les Michel Risque (d'autres pensionnaires chez Croc), alors, le vieux stock de Gaboury pourrait rebondir là un jour. Qui sait?