Leisure Suit Larry

Quand j'étais plus jeune, vers 13-14 ans, il n'y avait pas de FPS (first-person shooter), de RTS (real-time strategy), de MMORPG (massively multiplayer online roleplaying game) ou quoi que ce soit qui avait un acronyme. Il y avait les jeux d'arcades qui se résumaient sur Nintendo ou Sega, même sur Commodore64. Mais pour le PC, on avait droit à un autre type de jeu : Les Quests.
Ces jeux qui demandaient de regarder l'écran, analyser et déplacer un personnage, et lui faire accomplir des actions en les tapant sur le clavier. On voulait ramasser une pomme, on tapait « Take apple ». On avait des inventaires à gérer, des combinaisons d'items à accomplir, des personnages à qui parler pour des indices. J'adorait ce type de jeu.
Sierra OnLine étaient les dieux de ce type de jeu. Il y avait les King's Quest qui étaient basés sur un univers fantastique qui puisait sa source dans les différentes fables et mythes. Police Quest qui offrait un reproduction fidèle de la vie d'un policier, jusqu'à l'inspection de sa voiture avant d'y entrer. Mais mes préférés avaient de l'humour et frôlaient l'absurde. Les Space Quest se passaient dans l'espace et parodiaient Star Wars, Star Trek, Aliens, Blade Runner, Battlestar Galactica, Terminator et autre.
Et il y avait Leisure Suit Larry.
Un célibataire dans la quarantaine, qui perd ses cheveux et qui ne pogne pas avec les filles. Le jeu avait un brin du nudité pixelisée mais tout son charme venait de son humour et de ce que ce pauvre Larry devait subir pour avoir la chance de peut-être avoir une fille qui se donnerait à lui. Mais ça tournait toujours au cauchemar. Les jeux de mots y étaient à profusion et on ne se lassait pas d'y rejouer juste pour atteindre le score maximal possible et voir tout ce qu'il y avait à voir. Il y a eu 6 jeux du genre, tous scriptés par son créateur, Al Lowe. Les épisodes I, II, III, V, VI et VII. Le gag était qu'il n'y avait pas de quatre. V, VI et VII avaient des graphiques en 256 couleurs et se servaient de la souris avec des icônes pour accomplir les actions. Même si l'humour y était adulte, il n'y avait pas de profanités ou de choses totalement gratuites, c'était de l'humour réfléchi malgré le sujet. C'est ce Larry qui manque aux jeux d'aujourd'hui. On s'approchait presque de la comédie de situation. Il y avait tellement de choses loufoques à faire, on pouvait se creuser la tête pendant des soirées avant de découvrir la subtilité. Il n'y avait pas non plus les réponses sur Internet. On pouvait les trouver dans des Hints Book imprimés avec des fenêtres rouges pour empêcher la lisibilité. Il fallait utiliser une vignette teintée pour avoir accès à l'info. Le sentiment d'accomplissement à la fin d'un jeu justifiait l'effort.
Il y a un mois, Vivendi Universal, qui avait racheté Sierra (ou les derniers vestiges restants) à produit un nouveau Larry pour les consoles. Et c'est un blasphème outrageux. Une atrocité, une abomination qui n'aurait jamais dû voir le jour. Premièrement, malgré le nom, on y joue le neveu de Larry. C'est un jeu d'arcade 3D avec les pires temps de réponse, des graphiques atroces et des blagues tellement crues et gratuites qu'on ne rit jamais tellement c'est forcé. Je n'ai jamais entendu aussi souvent «fuck» de ma vie dans un jeu. Ou de blagues d'organes, de pipi-caca-poils. Même un ados qui vient de découvrir son corps ne ricanerait pas. Al Lowe est parti depuis bien longtemps, son nom n'est en rien associé au projet. Il est bien loin le Larry de mon enfance.
Mais heureusement, il existe une collection pour 20$ qui contient les six Larry originaux et ajustés pour fonctionner sur les ordis d'aujourd'hui. Un bon voyage dans le temps, au temps où les jeux étaient programmés avec la qualité du produit final en tête et la satisfaction du joueur.
Le Quest est maintenant un style de jeu bien défunt, mais son souvenir va demeurer. Quelques uns essaient une sortie d'année en année, mais le résultat n'atteint pas celui du « Golden Age of gaming ».
(Et pour les fans comme moi, il y a aussi les collections au même prix pour Space Quest I à VI et King's Quest I à IX).